Le commerce en ligne connaît un succès qui ne se dément pas au fil des années. Il a même explosé avec la crise sanitaire et les confinements. Bilan : 129,1 milliards d’euros de chiffre d’affaires en France, selon une étude de la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (FEVAD).
Il n’en fallait pas tant pour que le e-commerce se développe à toutes les sauces sur la Toile. Certains vendeurs n’hésitent pas à emprunter des chemins de traverse frôlant adroitement l’illégalité ou à surfer sans scrupule sur le filon de l’arnaque la plus totale.
Vous connaissiez déjà le MLM et ses dérives, le marketing d’affiliation et ses abus. Mais avez-vous déjà entendu parler du dropshipping ? Originaire bien évidemment des Etats-Unis, cette pratique se développe en France depuis quelques années.
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ToggleDropshipping : quèsaco ?
Le dropshipping, c’est le principe de la vente à domicile appliqué au digital. En tant que vendeur ou dropshipper, vous gagnez votre vie en faisant office d’intermédiaire entre un acheteur et un fournisseur. Exit la valise à roulettes du représentant qui fait du porte-à-porte. A la place, vous disposez d’un site Internet tout pimpant version Shopify pour servir de vitrine à vos produits. Jusque-là, rien de bien neuf sous le soleil : le système ressemble à s’y méprendre au classique triangle commercial entre le distributeur, le revendeur et le client.
Mais voilà, les articles que le dropshipper vante corps et âme sur son interface de vente en ligne sont purement virtuels. Il ne dispose d’aucun exemplaire des produits qu’il vend et qu’il a sélectionnés sur de grandes plateformes web, du type AliExpress, Amazon, Wish ou Alibaba. Quand un acheteur passe commande, le dropshipper achète l’article sur la marketplace partenaire qui le livre directement au client, ni vu ni connu, avec le nom et l’adresse du revendeur.
Le dropshipper a simplement à s’occuper de faire tourner sa boutique en s’offrant de la pub pour se faire un brin de notoriété et en empochant le montant de chaque transaction. Elle n’est pas belle, la vie ? Mais bon, il ne faut pas rêver non plus. Il doit bien y avoir une anguille sous roche quelque part.
C’est vrai, ce modèle de business présente un avantage certain en termes de logistique. Puisque le revendeur ne dispose d’aucun stock, il n’a pas à investir dans un local de stockage, ni dans l’achat anticipé de marchandises. Revers de la médaille : il n’a aucune maîtrise sur les délais d’approvisionnement et de livraison de son fournisseur, qui ne propose généralement pas de service après-vente. Sans compter que le dropshipper n’a jamais l’occasion de tâter concrètement le matos, histoire de juger de sa qualité et de sa bonne fabrication.
Que dit la réglementation française ?
Dès lors que les produits mis en vente sont licites, respectent les normes en vigueur et ne présentent aucun danger pour les personnes, le dropshipping est une activité parfaitement légale qui a pignon sur rue en France.
Ce type de business relève de la réglementation s’appliquant aux pratiques commerciales et à la vente à distance. Selon l’article R123-32 du Code de commerce, le revendeur appartient à la catégorie des commerçants professionnels : il doit par conséquent s’immatriculer au registre du commerce et des sociétés, au même titre qu’un libraire ou un épicier. Il doit en outre s’astreindre à certaines règles de bonne pratique.
Les mentions légales du site de dropshipping
Le site Internet du revendeur doit fournir au client les informations et CGV suivantes :
- l’identité précise du revendeur et ses coordonnées complètes (adresse, téléphone, mail) ;
- le numéro d’enregistrement SIRET ;
- le descriptif détaillé des articles ;
- la mention du prix TTC des produits ;
- la garantie légale des articles ;
- les conditions et délais de livraison ;
- les modalités d’application du droit de rétractation et la politique de retour des marchandises ;
- l’identité de l’hébergeur du site.
En cas d’absence de ces mentions légales, le revendeur risque entre 3 000 euros et 15 000 euros d’amende.
Les règles commerciales
Au-delà de ces obligations légales, le dropshipper ne doit pas recourir à des pratiques commerciales déloyales susceptibles de pousser l’internaute à la consommation. Il ne peut se soustraire aux contrôles de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF). En cas de fraude ou de pratiques abusives, le contrevenant s’expose à 2 ans de prison et 300 000 euros d’amende.
A noter que depuis le 1er juillet 2021, la fiscalité s’est durcie pour les revendeurs en dropshipping. Ils sont désormais redevables de la TVA sur les produits.
Bref, le dropshipper doit être aussi exemplaire que n’importe quel autre commerçant, ce qui semble être fichtrement difficile pour certains si l’on en juge pas le nombre croissant de réclamations de clients floués. En 2021, la DGCCRF a reçu 336 plaintes contre 65 en 2020. Ces signalements ont eu lieu sur la nouvelle plateforme Signal Conso.
Le dropshipping : entre dérives et abus
Bien sûr, vous avez les revendeurs sérieux qui se conforment strictement à la réglementation et exercent leur métier avec application en gagnant bon an mal an 2 500 euros nets en moyenne par mois. Mais le dropshipping, c’est comme la cueillette des champignons : il y a toujours les petits (gros ?) véreux qui viennent vous gâcher l’omelette. Non contents de « drop-chiper » les produits sur d’autres plateformes, certains revendeurs sont de vrais camelots sans foi ni loi. Ils n’hésitent pas à faire quelques entorses à la réglementation pour se rémunérer grassement.
Voici les 6 commandements du dropshipper mal intentionné.
Tu voleras autant que tu pourras
C’est un grand classique du dropshipping. Le revendeur fait des affaires juteuses en triplant, voire multipliant par 10, le prix réel d’achat des produits. Par exemple, le site fairy-led.com revend à 45 euros des montres achetées à 3,17 euros en moyenne sur les marketplaces. C’est ce qu’on appelle se dégager une belle marge.
Autre tour de passe-passe bien huilé : la grande braderie où l’on vous offre des remises énormes sur des produits soi-disant très onéreux. On vous propose -50 % sur le smartphone One X Phone qu’on vous laisse généreusement à 200 euros, alors qu’il s’agit en fait d’un modèle chinois bas de gamme, l’Ulefone S10 Pro coûtant 78 euros !
Tu mentiras comme un arracheur de dents
Les escrocs du dropshipping ont l’art et la manière de vous faire prendre des vessies pour des lanternes. Leur stratégie : rendre la camelote aussi précieuse que du 24 carats. Ils vous bluffent à coup de contrefaçons chinoises dont ils vantent la haute qualité, alors qu’elles ne respectent pas les normes françaises et européennes. L’influenceur, Laurent Billionnaire, s’est ainsi fait épingler pour avoir fait la promotion d’enceintes faussement JBL. La pratique est d’autant plus dangereuse qu’elle expose les acheteurs à de potentiels dangers.
Tu t’acoquineras avec d’autres escrocs
Le bon plan pour le dropshipper véreux, c’est de travailler avec des influenceurs TikTokeurs, Instagrameurs ou autres pour faire la publicité de ses produits. Sans scrupule, certains sont prêts à raconter n’importe quoi à leurs followers pour se faire un peu de fric. Comble de l’arnaque, les influenceurs reçoivent des briefings pour leur indiquer ce qu’ils doivent dire. Liberté d’expression oblige ! Mais Magali Berdah, agente d’influenceurs française, nous rassure en expliquant dans une interview à BFMTV que ces abus sont le fait d’une inexpérience et d’une méconnaissance du dropshipping. Ouf, nous voilà vraiment rassurés…
Tu forceras à la consommation
Faire du forcing, c’est la stratégie élémentaire du revendeur véreux. A côté de ses produits, il vous balance un chrono ou un compteur qui défile plus vite qu’un bolide de course et vous met la pression. Plus que 3 heures avant la fin de la promotion ! Plus qu’un article en stock, alors que le principe du dropshipping est de n’avoir pas de marchandise !
Tu appâteras le chaland par tous les moyens
Les dropshippers ne manquent pas d’idées pour vous attirer dans les mailles de leur filet. Ils vous hameçonnent en proposant des formations au dropshipping. Leurs vidéos YouTube parlent de pognon facile et vous promettent de gagner une blinde en quelques jours, voire quelques heures. Leurs slogans miracles : « Dropshipping : comment j’ai fait 1 million en 48 heures », « 8 000 euros en 11 heures sur Shopify avec le dropshipping » ou « Millionnaire en un an grâce au dropshipping ». Avouez que ce n’est guère crédible.
Tu fileras sans demander ton reste
Il y a aussi ceux qui vous vendent des produits qui n’existent pas, encaissent votre fric et se barrent après avoir fermé leur site sans vous envoyer quoi que ce soit. Ne serait-ce pas une forme de commerce virtuel dans sa conception la plus radicale ?
Comment se prémunir contre ces pratiques malhonnêtes ?
Face à cette déferlante de pratiques frauduleuses, vous disposez de différents outils pour éviter les entourloupes ou contre-attaquer.
En février 2020, le Gouvernement a mis en place la plateforme SignalConso pour permettre aux consommateurs de signaler des abus. L’application Antidrop, développée par Jimmy Fayolle, a quant à elle pour but de détecter les arnaques du dropshipping.
Avant de passer commande, déployez également les grands moyens. Dégainez votre panoplie de fin limier et faites votre enquête. Comment repérer les signes d’une potentielle arnaque ?
Indice n° 1 : le délai de livraison
Si l’expédition de votre commande se fait sous 2 à 3 jours, c’est bon signe. En revanche, si l’on vous annonce des délais de livraison d’une dizaine de jours, il se pourrait bien que votre article soit rapatrié du fin fond de l’Asie et de la Chine. Si le produit ne vous satisfait pas, les frais de retour seront pour votre pomme. Ils pourraient même être plus onéreux que l’article retourné !
Indice n° 2 : des photos doublons
Etrange, mais en effectuant une recherche inversée, vous avez retrouvé les photos de votre produit sur un autre site. Alerte rouge dropshipping !
Indice n° 3 : des articles vendus ailleurs
Grâce à leur référence, vous pouvez vérifier si les produits sont disponibles sur AliExpress, Wish, Etsy et toute la clique. Si c’est le cas, vous aurez peut-être la surprise de découvrir des prix plus attractifs.
Indice n° 4 : l’absence de coordonnées complètes du vendeur
Quand on est blanc comme neige, on n’a aucune raison de se cacher. Veillez donc à ce que l’adresse, le mail et le numéro de téléphone du revendeur soient bien renseignés. C’est pour vous le gage de pouvoir faire une réclamation.